Il était treize heures, et j'étais encore dans mon pieu. Bah, ça c'était habituel. Bon, ce que vous pouvez remarquer, c'est que ce matin j'étais pas seul ; ma petite amie du moment était avec moi. Ça voulait dire que dans l'amas de fringues qui jonchaient le sol, il devait y en avoir à elle, et donc que je n'étais qu'en partie responsable du bordel qui régnait dans la pièce - nan mais oh, faudrait pas m'accuser de tout ! Bien. Cette nana s'appelait Keiko, elle était plutôt relax et elle bossait dans la restauration. Une jolie blondinette, avec des immenses yeux verts. Frêle avec un visage tout rond aux joues bien roses qui la faisait ressembler à une poupée. Pas une lumière, mais au moins elle me prenait pas trop la tête, et sa compagnie était agréable. Enfin... Ça ne faisait qu'une semaine qu'on était ensemble - de toute façon, c'est pas avec moi que vous allez voir pointer une histoire sérieuse - mais elle ne m'avait encore jamais fait de crise. Je me disais qu'avec un peu de chance, ça allait pouvoir durer quelques temps avec elle, puisqu'elle avait pas l'air d'être chiante. Et bien j'avais tout faux. Allez, je recommence.

Il était donc treize heures lorsque j'émergeai. Keiko dormait encore, c'était cool ; ben oui, d'habitude mes copines étaient toujours debout avant moi, et j'aimais pas spécialement ça. Treize heures... C'était une heure suffisamment décente pour que je puisse sortir du sommeil naturellement. Mais après nos ébats de la veille, j'étais étonné d'avoir déjà les yeux ouverts. Cherchant vaguement la cause de ce réveil matinal, j'entendis un bruit venant du rez-de-chaussée. Des clés qu'on posait sur la table, apparemment. Donc c'était Axel qui s'incrustait, et pas un abruti de cambrioleur ou encore un shinobi qui venait m'assassiner pendant mon doux sommeil. Cool. En fait, Axel était un vague cousin et surtout mon meilleur pote, et vu que ses parents étaient... Comment dire, gavant, je lui avais filé un double des clés de mon duplex. Comme ça, il pouvait venir squatter ici sans me réveiller - en théorie - ou même quand j'étais pas là. Allez savoir pourquoi, ça avait toujous déplu à mes nanas... Et j'allais pouvoir constater que Keiko n'était pas une exception.

Déjà, en essayant de m'extirper du lit pour aller saluer mon cousin, je me sentis aggripé par un bras possessif. Bon, j'adorais rester au pieu hein, c'était pas ça le problème. Mais là, j'avais la dalle et envie d'aller taper un brin de causette avec mon pote - ça faisait deux ou trois jours qu'on s'étaient pas vus. Pour la discution, ok ça s'arrange, Axel allait pas s'envoler... Mais quand j'ai faim, le matin qui plus est, faut pas m'emmerder (petite amie ou pas). Bref, je repoussai - délicatement hein, je suis pas une brute - Keiko et je descendis dans la cuisine. J'avais passsé un caleçon avant, quand même. Pas qu'Axel ne m'ait jamais vu à poil, mais bon, il parait que c'est pas très décent d'aller dire bonjour à ses amis en tenue d'Adam. Je traçai directement jusqu'au placard pour me prendre un truc à bouffer, puis je me retournais et saluait joyeusement - 'fin comme un matin - Keichi Suzaku de son vrai nom. Axel, quoi.

« Yo. Problème chez toi ou tu voulais juste voir le Dieu qui te sert de cousin au réveil ? Ah, et au fait j'ai une fille en haut, Keiko je sais plus si tu l'as déjà croisée. »

Je m'affalai sur la chaise la plus proche et commençai à manger. Axel était ici chez lui de toute façon, j'avais pas besoin de m'emmerder à lui proposer de s'asseoir ou à lui servir quelque chose. Surtout qu'il était déjà avachi sur le canapé. Ce qui rendait sa compagnie plus agréable que celle de n'importe quelle fille que je pouvais ramener. Bon, sauf que je pouvais pas coucher avec lui, m'enfin.

« Mph... 'viens vufte fquatter ton canapé, ô Dieu des coussins »

Ouai, donc Axel avait été tiré du lit par sa mère un peu trop tôt - c'était habituel - et il venait récupérer un peu de son sommeil bien mérité chez moi. Ah, et apparemment Keiko s'était décidée à bouger. Forcément, sans ma fabuleuse présence, elle devait se sentir seule ! Hum. En entendant ses pas dans l'escalier, mon meilleur ami se redressa et s'assit sur le canapé. Woh, il faisait un effort ! Je savais qu'il n'appréciait pas souvent - jamais ? - mes copines, et je le lui rendais bien, donc c'était plutôt cool de sa part de s'efforcer d'être présentable. Franchement, j'appréciais le geste. Je fis également en sorte d'avoir l'air un peu moins vautré sur ma chaise qu'habituellement, et Keiko apparut dans mon champ de vision. Et elle eut la triste idée de venir m'embrasser. Damn ! Personne ne lui avait jamais dit que le matin, on a mauvaise haleine ?

« - Bonjour mon coeur ! Tu t'es levé bien précipitamment, c'est dommage on aurait pu rester au lit un peu plus longtemps !

- 'vais faim » grommelais-je. D'accord, j'avais peut-être un peu cherché la dispute en répondant de façon si peu engageante alors qu'elle n'avait, pour l'instant, rien dit de mal. Je décidai de lui présenter Axel en bonne et due forme, pour compenser.

« Sur le canapé, là, c'est mon cousin et mon meilleur ami, Axel. Axel, je te présente ma petite amie Keiko. »

Je pensais qu'elle serait contente moi ! Les filles sont pas censées être heureuses quand on les présente à ses amis ? En tout cas, ça n'eut pas l'effet escompté, pas du tout. J'eu l'impression que ses jolis yeux verts se voilaient, et puis la colère se dessina sur son visage de poupée. Avec ses traits doux, c'était pas franchement impressionnant. Mais ça annonçait une crise, et mon dieu que je détestais ça ! Surtout à peine sorti du lit.

« Ax... Je vois, c'est donc avec lui que tu passes tout ton temps, au détriment de notre relation ? Ayumi m'avait dit que tu préférais certainement aller déguster une glace ou même aller te saouler avec lui plutôt que de me voir, je vois que c'était fondé ! Puisqu'il a même les clés de ton appartement que tu n'as jamais voulu me confier ! Espèce de - »

C'était quoi tout ça ? Juste parce qu'Axel avait les clés de mon duplex ? Seigneur, il fallait qu'elle se calme sinon elle allait devenir plus rouge que les cheveux de mon pote. Honnêtement... Vous fileriez vos clés à une fille avec qui vous ne sortez que depuis une semaine ou deux ? J'veux dire, elle a beau être mignonne et bien gentille, c'est quand même mon appartement et j'ai pas envie que la première nana venue puisse débarquer chez moi à n'importe quelle heure ! Ok... J'aime bien avoir la paix, je l'admet. Bon, je suppose que j'étais censé dire quelque chose pour la calmer... Mais à ce stade, les "Mais non ma chérie, tu te fais des idées, tu comptes beaucoup pour moi" étaient exclus. J'en avais ma dose, des filles qui crisaient à cause d'Axel.

« J'sais pas si t'as remarqué, mais il est là et il t'entend, Axel. Et tu comptes continuer à gueuler longtemps ? C'est le matin et je suis encore chez moi, merde, si ça te déplait t'es encore libre de sortir ! »

Nan mais... Me prendre la tête dès treize heures, quelle idée suicidaire ! Là, elle pouvait être sure d'avoir foutu en l'air notre début de relation, et qu'elle vienne pas pleurer après. J'étais pas exigeant pourtant... Pourquoi ça finissait toujours comme ça ?

« Enchanté, disais-je »

Axel tendit la main à Keiko, qui la regarda fixement quelques secondes avant de se décider à la serrer. Après sa petite colère, son visage avait vraiment rougi, mais il était maintenant indéchiffrable. Ou plutôt il exprimait tellement de trucs à la fois que ça devenait bien trop compliqué pour moi de l'analyser. Mon cousin en profita pour caler un sous-entendu qui risquait fort de déplaire à la belle ; quant à moi, je me retins de ne pas pouffer de rire. Après ce que je lui avais lancé et la comédie d'Axel, c'était à peu près impossible de sauver quelque chose avec Keiko. M'enfin, si elle pouvait ne pas trop me haïr...

« Bon, j'vais prendre une douche »

Ah, parce qu'il n'avait pas fini de faire enrager ma future ex petite amie ? Et accessoirement, de me faire m'étouffer en essayant désespérément de ne pas éclater de rire ? Bah visiblement non, puisqu'il s'arrêta une dernière fois pour lancer, l'air malicieux :

« Au fait, Reino, ça te dérange si je t'emprunte quelques fringues ? »

Evidemment, il n'attendit pas que je réponde. Enfin, je râle mais ça m'arrange... Je vois pas ce que j'aurais pu dire pour sauver la situation. Et puis... Est-ce que j'avais envie de sauver quelque chose, d'abord ? En fait, j'en avais pas grand chose à faire de l'avis de Keiko. J'imagine déjà les commentaires outrés que je vais m'attirer en disant ça... Mais honnêtement, entre votre cousin et meilleur ami depuis un bail et votre toute nouvelle petite amie, qui est-ce que vous choisiriez ?

« Je... Je crois que je vais vous laisser, t'as raison, ça commence à me déplaire de rester ici. »

Et merde... Elle avait beau parler dignement, même moi j'arrivais à voir qu'elle avait les larmes aux yeux. J'avais dû être un peu trop dur avec elle, à l'origine je voulais pas la faire pleurer. C'était juste... Le matin quoi. Et puis j'ai jamais été un modèle de douceur et de délicatesse moi, elle aurait dû le savoir ! Et... Ouai bon ok, c'était ma faute.

« Ecoute Keiko... 'Scuse moi, je voulais pas être aussi brutal. Tu sais que le matin, j'ai du mal. Et j'en ai ma claque qu'on me reproche toujours ma proximité avec Axel. Vu que tout est de ma faute, j'accepte que tu restes dans mon manoir, en compagnie de sa majesté Reino. Sinon, essaye de pas trop me haïr, ça serait cool. »

Je pouvais pas faire mieux. Déjà, c'était rare que je m'excuse - sérieusement, j'entends. La jeune fille esquissa un pauvre sourire. Elle était quand même vraiment mignonne, je l'avais presque oublié avec cette mini-crise qu'elle m'avait faite. M'enfin si elle s'énervait pour si peu, on n'allait pas pouvoir continuer longtemps, même si elle pardonnait mon comportement de rustre. Bref, après cette tentative de sourire - au moins, je l'avais pas définitivement fait fondre en larmes ! J'ai sauvé les meubles ! Yeah ! - elle prit la parole avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Uh, elle avait l'air attachée à moi quand même.

« Je vais rentrer chez moi pour l'instant. J'ai besoin de réfléchir et... Je te laisse aussi te demander si tu tiens un peu à moi ou non. Parce que moi, je peux d'ors et déjà te dire que je ne suis pas aussi insensible, et que tu viens de me blesser. Mais comme je ne suis ni bornée, ni utopique, j'attendrais ta décision et si tu préfères en rester là, j'insisterais pas. »

C'est dingue comme elle avait pu devenir sérieuse d'un seul coup. Et calme. C'était quand même une fille cool, au final... La plupart seraient parties en claquant la porte, non ? Keiko partit avec toute la discrétion du monde, et c'est un peu perturbé par toute cette action matinale que je me retournais vers les escaliers d'où descendait Axel. Il avait mis un de mes jeans et... Ben ma seule chemise noire, en fait. Je ne savais pas du tout s'il était là depuis longtemps, mais il avait certainement entendu la dernière tirade de Keiko.

« Je crois que j'vais encore me retrouver célibataire. Tu m'imagines décider de quelque chose, toi ? C'pas comme si c'était... Mon truc. »

Ouai, ça Axel le savait bien. J'étais pas franchement du genre à faire des efforts dans une relation, et donc je ne prenais jamais ou presque la décision de rompre. En général, je m'arrangeais plutôt - souvent avec sa complicité - pour que la fille casse d'elle-même. Bref, le fait que Keiko me demande clairement de choisir si je voulais rester avec elle ou pas... Ça m'emmerdait un peu, pour être honnête.

« Tu m'étonnes... »

Axel me porta un coup amical dans le dos, et continua.

« Allez, c'pas comme si tu venais de te rendre compte que t'étais qu'un bon à rien »

Je n'émis qu'un léger sourire en entendant sa tentative pour détendre l'atmosphère. Axel était... Cool, il me connaissait. Il savait que je voulais pas entendre de grand discours, et que le mieux à tenter était encore de me faire marrer. Bon pour le coup, c'était foiré, m'enfin c'est l'intention qui compte comme on dit. Sauf qu'au lieu de me traîner au bar ou chez le glacier, il continua à parler avec un certain sérieux. En fait, on aurait dit que ça le faisait chier de dire ça, mais qu'il prenait sur lui.

« Elle a l'air sympa, sans ça... Après tout, si tu lui expliques qu'on est potes et qu'on passe du temps ensemble, et si elle l'accepte, il devrait pas y avoir de problèmes... »

Mouai... D'accord, il avait pas tort, Keiko avait meilleur caractère que la plupart des autres filles avec qui j'étais sorti. Et d'ailleurs c'était pour ça que j'avais fini avec elle, vu qu'il était hors de question que je commence une histoire avec une nana qui me prenait trop la tête. Mais là, elle avait justement brisé son image de fille cool, et laissé sa rancœur sortir. Ce qui voulait dire que... Quand bien même elle se tairait, au fond, ma proximité avec Axel la tracasserait toujours. Tiens, mon meilleur pote avait d'ailleurs l'air de se forcer à ajouter quelque chose. On aurait presque dit qu'il allait me faire une déclaration, avec la grande inspiration qu'il prit avant de parler.

« A mon avis, tu retrouveras pas de sitôt une fille comme ça. J'veux dire... Elle a l'air d'être sérieuse avec toi. Elle tient à toi, ça crève les yeux. Tu sais quoi ? Tu devrais lui courir après - les filles adorent ça - et lui expliquer tes conditions. Comme ça, en plus, si elle refuse tu sais quoi faire. Tu feras d'une pierre deux coups. »

Ok, ok... Là, il avait entièrement raison. Mais... Putain, c'était pas moi de courir après une fille. Et pour le coup, c'était même pas par amour ou quoi que ce soit, c'était juste... Bah je sais pas, d'ailleurs. Parce qu'Axel avait raison, Keiko n'était pas la première greluche venue. Parce qu'elle méritait que je la traite un peu mieux, étant donné qu'elle ne s'était pas comporté comme la dernière des abruties. Bon. Pour une fois dans ma vie, je pouvais faire une exception. Celle qui confirme la règle !

« ... Mouai. Tu serais pas mon cousin chéri, j't'aurais traité de fou. Mais à la place je vais t'écouter et aller la voir, sans courir merci bien. »

Fallait pas abuser non plus. Je dégotais une chemise propre et un pantalon pas trop froissé, et je sortis sur le pas de la porte. Mon dieu que le soleil était agressif ! Je me retournais vers Axel.

« C'est parti. Ah et tu peux rester ici, 'fin t'as les clés de toute façon. Ah ouai et aussi, si elle refuse, le grand sensible que je suis aura besoin de ton épaule solide pour pleurer ! »

Non, je ne me foutais pas de sa gueule. N'empêche, c'était typiquement Axel ça, de faire mumuse avec les sentiments des autres. Parce qu'il faut avouer que s'il n'avait pas été là, je serais jamais allé voir Keiko. Peut-être qu'elle serait revenue... Ou pas, mais quoiqu'il en soit je n'aurais pas bougé le petit doigt pour quelqu'un qui n'est pas réellement important pour moi. Bah Axel, si.